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vendredi 29 juin 2012

Maîtrise de l'anglais et sixième année bilingues: encore des questions sans réponses



Tania Longpré
Enseignante de francisation aux adultes immigrants

Depuis quelque temps, on fait écho dans les médias de « l'ambitieux » projet du gouvernement de rendre toutes les classes de 6e année francophones, d'ici 5 ans, « bilingues » afin que nos jeunes apprennent l'anglais, Thank God !
Pourtant, les enfants y étudiant présentement y sont soigneusement sélectionnés: ils ont d'excellentes notes et n'accusent aucun retard scolaire puisqu'ils sont doués. Qu'est-ce que le gouvernement compte faire pour les enfants ayant des difficultés d'apprentissage ou encore pour ceux ne maîtrisant pas assez la langue française ? Que ferons-nous des enfants immigrants, fréquentant les classes d'accueil, qui ne font présentement pas de classe de langue seconde puisqu'il est prouvé qu'apprendre deux langues en même temps donne de moins bons résultats ?

On ne le sait toujours pas.

Allez faire un tour dans les polyvalentes anglophones, tendez une oreille. Ou même dans une polyvalente francophone de l'ouest de l'île où mes collègues peinent à entendre la langue française dans les couloirs ! De plus, où trouverons-nous les profs nécessaires ? Nous pouvons voir, au Canada, que la popularité des classes d'immersion française donne souvent lieu à des cours donnés par des enseignants maîtrisant à peine la langue qu'ils enseignent. Je me souviendrai longtemps d'une enseignante, en Colombie-Britannique, où j'enseignais, qui avait écrit au tableau «Une petite enfante» en étant convaincue que le mot «enfant» s'accordait au féminin ! Je lui ai donné quelques notions de grammaire. Est-ce que la situation sera pareille ici ? On a vu dernièrement dans les médias qu'on recrutait des profs en Ontario, mais quel sera leur statut de prof ici ? Qu'arrivera-t-il aux enseignants de 6e années ? Certains perdront-ils leur poste ?

On ne le sait pas non plus.

Il est étrange qu'on s'inquiète pour les enfants francophones qui ne maîtrisent pas la langue de l'autre solitude. Mais que nous n'entendons jamais parler des étudiants anglophones du Québec qui ne maîtrisent pas le français. Pourquoi les enfants se devraient d'être compétents dans une deuxième langue, alors qu'ils ont peine à maîtriser la leur ? Il y a ici un calcul logique à faire : si on ajoute des cours de langue, il faut couper ailleurs. Où ? Quelle matière est présentement moins importante que l'anglais ? Est-ce que tous les enfants du Québec ont un besoin vital d'une langue seconde, au détriment d'une bonne maîtrise de l'histoire ou des mathématiques ?

Mystère et boule de gomme !

Je me demande aussi ce qui en sera des commissions scolaires anglophones du Québec, qui se vantent de former des étudiants bilingues. Pourtant, plusieurs anglophones du Québec ne sont pas parfaitement bilingues puisqu'ils n'utilisent pas leur français Use it or lose it, dit on. Il est surprenant qu'on ne parle jamais des lacunes de ces gens en français. Eux qui sont nés et ont évolué au Québec, sans jamais maîtriser la langue commune, ou à peine. Des collègues qui enseignent le français langue seconde dans des polyvalentes anglophones de Montréal se surprennent en constatant que plusieurs classes de français langue seconde soient des classes de français de base, eux qui sont pourtant nés ici ! Contrairement au mythe véhiculé, les anglophones du Québec ne sont pas tous bilingues. Le gouvernement libéral s'en inquiète-t-il ? Ne sont-ils pas autant à plaindre que les francophones ? La langue anglaise se doit d'être connue de tous, mais pas la langue officielle du Québec ? Les anglophones sont-ils exclus des préoccupations de bilinguisme ? Y aura-t-il donc, pour pallier, une classe d'immersion française obligatoire chez les jeunes anglophones de 6e année, car ce sont eux qui en ont le plus besoin de maîtriser leur langue seconde, la langue officielle du Québec, le français.

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